Bonjour à tous ! Aujourd'hui nous rencontrons une femme forte et pleine de douceur. Elle souhaite rester anonyme, donc nous la surnommerons AJ <3 C'est dans sa petite enfance qu'AJ a eu un syndrome de Lyell. Le temps passe et certains souvenirs restent. Que faire avec ? C'est avec de l'amour et de la douceur qu'AJ s'est reconstruite. Elle nous partage son histoire !
- PRESENTATION -
_Qui es-tu ?
" Je suis jeune maman architecte, salariée dans un cabinet international, en CDI, mariée à un architecte que j’aime de tout mon cœur. Mon fils vient d’avoir 4 ans et je suis très épanouie avec ma famille. J’adore mon métier c’est un véritable challenge quotidien pour moi. J’ai un caractère plutôt introverti, mais une fois la glace brisée je suis très chaleureuse et un peu fofolle. Je pratique également plusieurs loisirs, dessin, trompette, natation, et nous vivons à Paris. "
- TON HISTOIRE -
_ Qu’est-ce qui te pousse à partager ton histoire aujourd’hui ?
" J’ai longtemps consacré mon temps à mon père qui était malade et très colérique, je me suis un peu oubliée, mais depuis peu je me suis mariée, émancipée, je travaille et donc c’est comme un « décollage » qui me permet de me recentrer sur moi et mon histoire. Parler de ce trauma d’enfance m’aide, en effet, à me centrer sur moi, et à « sortir » de mon esprit ce que j’ai vécu, « poser mon sac ». C’était un peu un parcours de combattant de sortir d’une enfance et d’une adolescence un peu torturée, même si heureuse malgré tout. "
_ Tu as vécu un lyell dans l’enfance, à presque 4 ans. Un vrai bouleversement. Même si c’était il y a des décennies, qu’en gardes tu comme souvenir ?
" Au début, cela a commencé par une sorte d’angine, avec une croute bizarre sur le poignet. Déni des médecins au début, puis ensuite visite chez la dermatologue : Elle a dit à ma mère « ah là madame, il faut aller aux urgences ». Direction l’hôpital Necker pour enfants malades, à Paris. Une petite pièce avec un volet roulant en tissus vert, et une dame, médecin ou infirmière, qui m’examine et me triture un gros bouton, une excroissance que j’ai sous le menton.
Ensuite, une chambre, décor tout blanc, aseptisé, et on me pose une sonde urinaire ça fait horriblement mal et dans mon esprit d’enfant je me sens nue, humiliée et je comprends qu’il se passe quelque chose de grave. Les autres souvenirs sont les suivants : des croutes sur tout le corps et une envie de me gratter, et quand je gratte, ça brûle. Mes yeux tout collés par les croûtes et un médecin méchant, froid et brutal qui m’ouvre les yeux de force chaque matin à heure fixe pour m’y mettre des gouttes qui piquent.
Et le pire, chaque jour des bains de Cyteal. Ma maman venait chaque jour ; sans exception, elle prenait sur son temps de travail. Elle me tenait la main pendant les bains de Cyteal. Mon père m’a rendu visite, une fois, dans une petite salle. A ce moment, j’avais les yeux fermés je ne pouvais pas les ouvrir, et il m’a mis dans les mains un cadeau, une poupée que je ne voyais pas.
Je buvais de la purée à la paille, j’étais allongée et je jouais aux « petits malins » jouet des années 80 que m’avait offert ma grand-mère . J’avais des peluches au pied de mon lit, et beaucoup de visites de ma mère et de ma grand- mère. Ma mère m’offrait à manger des petits bouts des bonbons Haribo crocodile, car je ne pouvais pas les manger en entier, j‘avais l’œsophage atteint par la maladie.
La sortie de l’hôpital, c’est peut-être le plus beau jour de mon enfance, ou de ma vie, il y avait un grand soleil, et un bosquet de fleurs devant l’hôpital, j’ai trouvé ces fleurs incroyablement jolies. Ma maman me tenait la main."
_ Comment ta scolarité s’est-elle passée après cela ? T’es-tu sentie différente ? Comment as-tu grandi ?
" Je suis retournée en maternelle et j’ai tout de suite senti un immense sentiment de solitude, et de sérieux envers mon entourage.
Il était beaucoup plus difficile de jouer avec les autres enfants, je me rappelle un déjeuner à la cantine qui avait lieu dans la cour de récréation, il faisait beau, je mangeais des fraises dans un petit ramequin en verre, et j’ai eu ce sentiment : je suis seule, je suis différente des autres. Alors que je ne l’étais pas, mais c’est le sentiment que j’ai eu. Et j’avais du mal à me concentrer sur les exercices que nous faisions avec la maîtresse. Ensuite, l’école primaire s’est mieux passée, j’étais très douée à l’école, mais je n’étais pas la même qu’avant la maladie je me sentais plus petite, moins belle, moins espiègle que les autres petites filles. Plus petite surtout.
Mais la vie a continué, j’avais des amies, une vie heureuse (tout est relatif et nous vivons dans un beau pays). Chaque été à la plage, ma mère me disait : mets de la crème sur tes tâches (sur les joues). J’avais des cousines très gentilles et j’ai eu des supers souvenirs avec ma famille. "
_ Le temps s’est écoulé, aujourd’hui tu es une femme accomplie, une maman et une épouse heureuse : tu as une vie épanouie. Pourtant tu m’as trouvé et tu as pris contact avec moi : le lyell te rattrape ou as-tu toujours vécu « avec » ?
" Je n’en ai jamais vraiment discuté sérieusement avec personne mis à part mon mari. Et je fais parfois des cauchemars difficiles en rapport avec cette maladie. Dans un hôpital, avec pleins de personnes défigurées, ou alors des personnes à qui il manque des membres. Ou alors je rêve que que j’ai des boutons bizarres sur tout le corps. Alors je trouve que c’est une bonne chose de partager ceci avec les autres, pour moi et pour eux. Nous ne sommes pas des fantômes après tout ! "
_ Tu m’as parlé de cauchemars qui pourraient être lié au syndrome de lyell, aujourd'hui comment vas tu ?
" Comme je le disais, je vais beaucoup mieux que durant ma prime jeunesse. Je suis moins complexée, plus forte mentalement. J’ai toujours très peur de la maladie, j’ai souvent peur d’avoir un cancer, mais cela je pense que c’est le cas pour beaucoup de personnes, pas juste moi évidemment. J’ai également une peau et des yeux très sensibles. Je consulte bientôt pour faire un check up de ma vue et savoir si tout va bien. Parfois aussi , je suis très angoissée, mais ça va. "
- TES ASTUCES -
_ Peut-on te demander comment la petite fille de 4 ans que tu étais s’est reconstruite après le lyell ?
" J’ai tout simplement eu de la chance. A cet âge, on ne choisit pas. Mes parents étaient aisés, j’étais une jolie petite fille, et j’avais des bonnes notes, une éducation solide. Mais je faisais des cauchemars. "
_ Comment tes proches t’ont-ils accompagné ? La parole était-elle libre dans ta famille ? Penses tu que cela est important de ne pas mettre tout ça « sous le tapis » ?
" Non nous n’en avons pas trop parlé, et c’est problématique. Tout va toujours bien dans le meilleur des mondes, comme un optimisme forcé. Cela est effectivement presque passé sous le tapis, mais c’est pour cela que c’est important pour moi de vous en parler aujourd’hui. "
_ Aujourd’hui que fais tu pour aller de l’avant face à ces souvenirs parfois douloureux ?
" Je parle beaucoup ! J’ai besoin de tout comprendre : pourquoi il y a des gens qui souffrent, est-ce juste que la vie est injuste ou alors mérite-t-on ce qui nous arrive ? Pourquoi vit-on dans un monde où tout est toujours du grand n’importe quoi, des riches, des pauvres, des gens qui sont très sains et qui développent des cancers ? Et l’inverse. Pourquoi les médecins sont si hautains (pas tous ouf !) Que reste-t-il de l’humain sur cette planète ? "
_ T’arrive-t-il de parler librement de tout cela avec ta famille et tes proches ?
" Avec mon mari et ma mère aussi parfois, je me confie, oui. "
_ Que conseillerais tu à des patients ou parents d’enfant victime d’un lyell ?
" Il faut beaucoup d’amour pour vaincre cette maladie et les traces qu’elle laisse. "
_ Finalement, comment penses tu que cette expérience a changé ta vie ?
" J’ai hérité de cette maladie l’empathie envers mon prochain, la générosité, la force intérieure, le côté battant de mon caractère !"
-------
Merci AJ, d'avoir répondu à cette interview, et nous avoir livré cette histoire. Il faut du courage pour rouvrir des portes laissées fermées pendant des années. Ton témoignage nous rappelle qu'il n'y a pas de bon moment pour parler des trauma, le plus important est de trouver LA personne avec qui on se sent assez bien pour vider son sac et partager cela.
N'oubliez jamais que vous n'êtes pas seul, même si nos histoires ne sont pas les mêmes, l'envie de rendre tout cela plus doux et plus léger pour les autres nous unis et nous renforce !
A très vite,
Camille
Témoignange syndrome de Lyelle / Témoignage syndrome de Stevens Johnson
Comments