Bonjour à tous ! Aujourd'hui je laisse la parole à quelqu'un de très important pour moi : ma grande sœur, Justine. Ma soeur a été un vrai soutien pour moi pendant mon hospitalisation, et surtout après, pour ma reconstruction.
Durant une hospitalisation difficile, et la mienne le fut, nous nous recentrons. Les quelques personnes qui sont venues me voir chez les brûlés sont mes piliers. Pour être honnête, je ne savais pas si j'allais sortir de l'hôpital durant la phase aiguë de mon Lyell, je voulais juste avoir ma famille près de moi et mes amis les plus proches.
Ma grande sœur, est là depuis toujours. Depuis mes débuts. Notre relation a toujours été forte, et c'était une évidence qu'à ce moment de ma vie, il fallait qu'elle soit près de moi. J'avais besoin d'elle, de près, de loin, dans l'espoir et aussi dans le désespoir. Pendant et après. Elle a été là. Ce fut difficile parfois, mais elle a été là. Et aujourd'hui nous sommes toujours là l'une pour l'autre <3 <3 <3 .
Commençons :-)
-- PRÉSENTATION --
Qui es-tu ?
"Je m’appelle Justine, j’ai 31 ans et je suis assistante de direction."
Décris toi en quelque mots
"Je pense être quelqu’un de doux, d’attentionné, d’altruiste, d’ouvert. Voir les gens que j’aime heureux, voire rire mes enfants aux éclats sont des choses qui me remplissent de bonheur. La famille et les amis sont pour moi la clé de tout. A côté de ça je suis une vraie boudeuse et un vraie éponge à émotions, je m’imprègne de l’humeur des gens dans le bon comme dans le mauvais."
Quelles sont tes passions / passe-temps favoris ?
"J’aime beaucoup la photo. Faire des portraits de mes enfants surtout. Essayer de capturer chaque petit moment de vie, pour que plus grands ils aient des souvenirs plein la tête (et sur papier !). J’aime passer du temps en famille, voir mes amis, j’aimerais voyager plus mais pour le moment je suis surtout une maman !"
-- TON HISTOIRE --
Qu’est-ce qui te pousse à partager ton histoire aujourd’hui ?
"J’ai accepté de répondre à cette interview pour partager mon ressenti face à la maladie de l’un de mes proches. Une manière de me confier, de vider mon sac, d’aider si cela peut aider quelqu’un."
Quelle est ta relation avec le fighter ?
"Camille est ma petite sœur. Nous avons quasiment 3 ans d’écart. Depuis toutes petites nous avons une relation très fusionnelle. On a toujours su se dire qu’on s’aimait dans une famille ou dévoiler ses sentiments est un peu compliqué. Avec elle on a toujours eu ce besoin de s’admirer et de se dire qu’on s’aimait. On s’est accrochées quelques fois, on s’accrochera encore. On sait se dire le pire mais on sait toujours se pardonner."
Quelle maladie a eu ton proche ?
"Camille a été (est ??) atteinte du syndrome de Lyell. Un nom que j’ignorais jusqu’à ce qu’elle soit concernée."
Raconte-nous ton vécu face à l’annonce de la maladie de ton proche ?
"Camille a été hospitalisée sans trop que l’on sache pourquoi. La varicelle qui lui avait été diagnostiquée s’est finalement avéré être un cas très particulier et bien plus qu’une varicelle. Elle a été transférée d’urgence dans un hôpital sur Marseille dans un service de grands brûlés, je ne comprenais pas du tout pourquoi. On était dans le flou total. Je me rappelle avoir appelé mes parents plusieurs fois par jour pour savoir si un diagnostic été posé. Et c’est au bout de 2-3 jours que le nom de la maladie est sorti. On savait enfin. Mais ces jours d’attente étaient terribles pour nous, ils paraissaient interminables. A l’annonce de la maladie, je me suis jetée sur un ordinateur au bureau pour chercher de quoi on parlait. J’ai trouvé peu de choses et ce que je lisais me faisait peur. Je n’ai pas lu très longtemps."
T’es-tu rendu à l’hôpital pour voir ton proche ? Raconte-nous comment tu t’es préparée avant d’aller à l’hôpital, et quelles ont été tes réactions à la première visite.
"Oui je suis allée la voir. Comment ne pas y aller ?! Mes parents étaient avec elle chaque jour et je me souviens avoir demandé à la voir très vite. C’était terrible de ne pas pouvoir communiquer avec elle par oral ou par écrit. Je voulais être là pour elle. J’avais tellement peur qu’elle en doute. Mon père m’avait dit « tu sais, c’est dur, tu es sûre de vouloir venir ? ». Je me suis demandé s’il plaisantait. Il m’a dit qu’elle était couverte de bandages de la tête aux pieds, que c’était très dur de la voir comme ça. Mais bon sang, pour ma sœur, même si c’était dur, je serais là, je serais présente, je serais forte !!! J’ai été là, j’ai été présente, par contre pour le reste … J’y suis allée déterminée et je suis partie anéantie. Lorsque je l’ai vu j’ai souri en lui faisant coucou à travers la vitre de la bulle qui lui servait de chambre. Je suis entrée dans la pièce avec ma maman et une amie d’enfance. Mon regard a croisé celui de Camille et quelle claque. Je la connais par cœur. Et dans ses yeux je n’ai vu que de la peur, de la souffrance, de la peine. Les larmes me sont montées aux yeux sans que je contrôle quoi que ce soit. Je culpabilisais tellement de chouiner alors qu’elle était dans cet état. Mais c’était incontrôlable. Elle a fini par voir mes yeux embués et m’a lancé un regard noir comme seules elle et ma mère savent en lancer. Ça a duré un après-midi, un après-midi entier à ne pas réussir à empêcher mes larmes de me monter aux yeux. A un moment nous sommes sortis de la chambre car Camille avait des soins. Notre amie d’enfance était tellement forte, elle lui disait des choses tellement motivantes pour qu’elle se batte, je l’ai trouvé extraordinaire dans sa réaction moi qui n’arrivais pas à sortir un mot. Dans le couloir je l’ai remercié en lui disant que je ne savais pas comment elle faisait pour être si forte. Elle m’a répondu « tu sais Justine c’est normal, ce n’est pas ma sœur qui est dans ce lit. » Elle avait tout dit. Lorsque nous sommes reparties, il m’a été impossible de conduire. J’ai gardé la vitre ouverte tout le trajet. Avec une envie de vomir trop présente et une migraine à me taper la tête contre un mur. Le contre coup. Arrivée chez mes parents mon papa m’a dit « alors ? ». Il a posé ses yeux dans les miens et a ouvert ses bras. Je suis allée m’y blottir pour pleurer. « C’était trop dur ». « On le savait que tu supporterais pas ».
La première visite a été la plus difficile pour moi. J’y suis retournée deux autres fois et l’évolution était tellement incroyable que ça a été beaucoup plus simple."
Quel a été ton ressenti face à l’apparence physique de ton proche ? Par rapport aux soins qu’il avait ? A son nouvel environnement ?
"Camille était couverte de bandages. Elle était méconnaissable. Elle qui est toujours super bien apprêtée. On ne voyait aucun bout de peau, juste son visage. Ses cheveux étaient plus que sales, ses lèvres et ses yeux étaient tellement abimés. Mais aussi impressionnant que ce put être, l’apparence physique n’est qu’une enveloppe. C’était impressionnant mais je m’inquiétais plus pour ce qu’il pouvait se passer dans sa tête et la douleur qu’elle pouvait ressentir sans en avoir aucune idée. L’après-midi a été rythmée par les soins. Ils étaient si nombreux. Ça me faisait beaucoup de peine pour elle mais je la trouvais forte de trouver du courage pour un bain de bouche ou autre."
Que penses-tu avoir mal fait ou mal dit à ton proche ? Ou qu’as-tu entendu qu’on aurait pu éviter de lui dire ??
"Je sais que Camille m’en a voulu de pleurer lors de ma première visite. Elle a pensé que je pleurais à cause de son apparence alors que la seule chose qui me faisait mal était d’imaginer sa douleur et de ne pas savoir comment l’aider et lui apporter mon soutien. J’aurais aimé ne pas pleurer mais je suis bien trop sensible pour ça. Et puis il s’agit là d’une des personnes les plus importantes de ma vie. J’aurais aimé lui dire des choses encourageantes, lui dire que je l’aimais fort. Mais je n’ai rien pu ni su dire. J’étais tétanisée. Ma mère m’a encouragé (forcé ?) à lui tenir une main. Une main couverte de bandages. Même ça c’était terrible. J’ai réussi mais non sans mal. J’avais peur de l’abimer.
J’ai pensé bien faire en lui envoyant une video de mon fils qui lui adressait un message. Ce fut un échec total, elle en a pleuré. Je me suis sentie tellement bête d’avoir cru bien faire."
Quelles étaient les angoisses, les doutes ou les mots que tu aurais aimé lui confier ?
"J’avais peur du temps que cela allait prendre, peur des séquelles qu’elle pourrait avoir."
Comment as-tu géré les sautes d’humeur de ton proche ?
"Je la trouvais dure avec son amoureux et avec ma mère mais je me doutais bien qu’elle était pleine de colère et qu’elle l’extériorisait sur les personnes qui lui pardonneraient surement le plus facilement."
Posais-tu des questions au personnel soignant ? Cela t’aidait-il ?
"Non. J’avais ma mère chaque jour au téléphone et j’avais les infos nécessaires."
Allais-tu te renseigner sur la maladie sur internet ? Si oui, y a-t-il des sites internet que tu conseilles / ne conseilles pas ?
"J’y suis allée lorsque le nom de la maladie a été prononcé. Je pense que c’est normal mais j’ai voulu lire le principal et ne pas trop m’attarder. Je voulais garder le plus d’espoir possible."
La maladie de ton proche a-t-elle chamboulé ton quotidien au travail ou chez toi ? Arrivais-tu à être productif au travail ou à l’école malgré tout?
"Je me sentais inutile. Je me trainais au travail et à la maison. Je passais mes journées à regarder mon téléphone pour voir si mes parents avaient appelé. Je pense les avoir gonflé à les appeler aussi souvent."
Comment ont été tes proches à toi durant cette épreuve ? Te sentais tu soutenue ? Arrivais-tu à parler librement pour vider ton sac ?
"Mes proches ont été formidables. Ils prenaient des nouvelles de Camille et de mes nouvelles en parallèle. Heureusement qu’ils étaient là. "
-- TES ASTUCES --
Que faisais-tu pour te changer les idées tous les jours, te ressourcer et te sentir un peu mieux ?
"La vie suivait son cours : le travail, les enfants, mon histoire d’amour. Ça m’occupait, me réconfortait et ça m’a permis d’avancer pendant ces longues semaines."
Que conseilles-tu aux proches des fighters pour se blinder durant la maladie et ne pas se sentir trop impuissant ?
"Je ne crois pas avoir de conseils à donner. Il faut faire au mieux avec les armes qu’on a."
Que faisais tu à l’hôpital pour changer les idées de ton proche ? Arrivais-tu à lui changer les idées, le faire rire, penser à autre chose ?
"Pour ma première visite j’ai imprimé des photos pour Camille. Son amoureux, nos parents, mes enfants, ses copines, et j’ai placardé une vitre de sa chambre de photos. On était tous avec elle."
Quand tu n’allais pas à l’hôpital, que faisais tu pour lui apporter ton soutien ? Penses-tu que ça marchait ?
"Je passais des messages à mes parents en espérant qu’ils les lui transmettent."
As-tu des astuces pour les proches qui viennent à l’hôpital, qui aiderait le fighter à traverser cette épreuve?
"Les photos à accrocher, des souvenirs (peluches), des séries ou films …"
As-tu des astuces pour les proches qui NE viennent PAS à l’hôpital, qui aiderait le fighter à traverser cette épreuve?
"Les photos et les videos je ne suis pas certaine que ce soit une bonne idée. Appeler et raconter ses journées peut être une source de distraction pour le malade."
Qu’as-tu fais lorsque ton proche est sorti de l’hôpital pour qu’il retrouve un peu sa vie d’avant ? As-tu des conseils à donner pour « l’après » ?
"Très vite on est allées manger au restaurant avec des amis, retrouver les choses simples de la vie. Le WE de sa sortie on a fait un repas en famille, on avait fait que des plats qu’elle adore alors qu’elle pouvait à peine manger ! Puis on a passé un moment toutes les deux à discuter, je l’ai écoutée se livrer. Je l’ai retrouvé."
La vision que tu avais de ton proche, a-t-elle changé depuis qu’il a traversé cette épreuve ?
"Je la trouve très courageuse. Je me dis que jamais je n’aurais réussi à avoir sa volonté et sa force si j’avais été à sa place.
Aujourd’hui Camille est beaucoup plus souple. Elle semble avoir une autre approche de la vie."
Comment cette épreuve a-t-elle changé ta vie ?
"J’ai pleinement conscience que tout peut arriver à n’importe quel moment et qu’il faut profiter en essayant de se prendre la tête le moins possible."
As-tu quelque chose à ajouter que j’aurais oublié ? Tu as champs libre ;) Dis-nous ce que tu veux, si tu penses que j’ai manqué une question ou quoi, n’hésite pas ;)
"Cette épreuve a été très douloureuse pour Camille même si aujourd’hui je la sens plus forte et plus en harmonie avec elle-même alors que ce n’était pas gagné d’avance. Mais j’ai surtout envie de souligner à quel point son amoureux a été exceptionnel. Il l’a soutenu, écouté, il a caressé ses cheveux dégoûtants, il lui a dit qu’elle était belle alors qu’elle était terrifiante, il l’a aimé à chaque seconde, épaulé, il a essuyé ses larmes, il a profité en première ligne de son humeur massacrante. Il a été ni plus ni moins que parfait. Puis même si je le savais déjà, on a une preuve de plus que nos parents sont formidables."
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MERCI à ma sœur pour ses mots, sa présence, son courage, ses larmes, son attention, les pancakes et les sushis de quand j'ai pu sortir de l'hôpital, et merci pour mon neveu et ma nièce qui ont changé ma vie et m'ont donné de bonnes raisons de me relever de tout cela.
A tous les proches qui accompagnent un fighter dans un moment difficile, MERCI. Merci pour vos mots, vos silences, vos sourires, votre soutien, votre amour, votre présence. Parce que vous nous donnez chaque jour envie d'aller un peu mieux, parce qu'il nous tarde de vous retrouver pour partager des moments de bonheur, aussi simples soient-ils. Merci de nous donner de bonnes raisons de nous accrocher à la vie, les principales raisons sont tout simplement vous.
Never give up <3
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