Aujourd'hui je partage avec vous le témoignage de Marie, dont la maman a eu un syndrome de Lyell en 2021. Le combat d'une mère et de sa fille, car les proches se battent aussi, que ce soit pendant la phase aigüe du Lyell / SSJ ou après le retour à la maison. Les rôles s'inversent, la fille prend soin de sa maman, de ses parents et cette histoire nous conforte dans l'idée que dans une famille chacun a sa place, et quelle que soit celle ci, l'important est d'avoir comme seul et unique moteur : l'amour ! C'est parti :-)
- PRESENTATION -
__ Hello Marie, la parole est à toi ! Tout d'abord, peux tu te présenter ?
« Camille, dans un premier temps je souhaite te remercie pour l’opportunité que tu offres aux victimes du syndrome de Lyell et SJ ainsi qu’à leurs proches, de pouvoir partager leur expérience. Et c’est avec beaucoup d’émotion que je me prête aujourd’hui à l’exercice.
Je suis Marie et j’ai 29 ans. Je travaille dans le secteur bancaire depuis 7 ans. A côté de cela, je suis bénévole dans le milieu sportif. J’ai à cœur de favoriser l'accès à une pratique adaptée pour tous. A cœur de développer des pratiques émergentes, culturelles et sportives, dans un soucis de respect des inégalités, des différences. A cœur de promouvoir l'accès au sport pour tous, au sport santé, à la culture, à la culture santé, à l'éveil de l'enfant, au handicap et tant d'autres actions aussi importantes les unes que les autres.
N'étant pas très objective quant il s’agit de parler de moi-même, j’ai demandé à un proche de me décrire et voici les adjectifs qui me caractérisent : aimante, empathique, sensible, dévouée et douce.
J’ai toujours été très famille d’une manière générale, malgré quelques conflits comme dans beaucoup de famille j’imagine. Avec ma mère, nous sommes parfois comme chien et chat. Néanmoins, l’amour que nous avons l’une pour l’autre est indéfectible. »
- TON HISTOIRE -
__ Qu’est-ce qui te pousse à partager votre histoire aujourd’hui ?
« Je souhaite aujourd’hui partager notre histoire pour la personne qui certainement comme moi, se rendra sur ton site pour comprendre ce qu’il se passe.
En effet, lorsque l’hôpital a prononcé le mot suivant : « Lyell », mon premier réflexe a été de me jeter sur internet afin d’y trouver le maximum de réponses. Evidemment, on y trouve de nombreux articles, de nombreuses photos plus effrayantes les unes que les autres. J’ai passé la nuit à cela. Et puis je suis tombé sur ton site, sur ton compte Instagram. A ce moment-là j’ai réalisé que c’était arrivé à d’autres, qu’ils avaient témoignés, qu’ils étaient soignés et entourés. C’est comme si tout à coup je trouvais de l’espoir et du réconfort. Et si à mon tour, à travers ta page, je peux donner de l’espoir à quelqu’un, j’aurai alors tout gagné. Partager notre histoire me permet également de mettre de mot sur ces maux. »
__ Ta maman a été en réanimation en même temps que ton papa à l’époque, pour cause de COVID. Cela devait être très anxiogène vis-à-vis de la situation de l’époque. Comment s’est déroulé la réa pour tes parents à ce moment ?
« Mon père a été hospitalisé en février 2021 suite à une infection COVID. Son état nécessitait une prise en charge dans le service de réanimation d’un grand hôpital parisien. Malheureusement, 3 jours après, ma mère a également dû être prise en charge pour la même raison, dans le même hôpital. Heureusement, son état ne nécessitait pas une prise en charge aussi importante que celle de mon père. Néanmoins, une surveillance était nécessaire.
Mon père est sorti seul, de l’hôpital avec une récupération difficile. La reprise du travail n’a pas pu être immédiate et son état nécessitait un accompagnement quotidien. C’est donc naturellement que j’ai occupé cette place d’aidant afin de pouvoir l’accompagné dans les tâches du quotidien. Ma mère était quant à elle toujours hospitalisée.
Je profite de ce paragraphe pour remercier l’ensemble du personnel hospitalier pour leur courage face à cette épidémie. »
__ Les choses ont vite dégénéré pour ta maman. Peux tu nous en dire plus sur ce qui vous a marqué tes proches et toi à ce moment ?
« Plus d’une semaine après son hospitalisation, je reçois un appel de l’hôpital pour m’informer que ma mère allait être opéré du ventre. N’ayant plus d’informations au téléphone, un ami de la famille, médecin, a contacté l’hôpital afin d’en savoir plus.
Verdict : péritonite, occlusion intestinale et choc septique. Ma mère est alors prise en charge par le service de réanimation et opérée en urgence.
Ce qui a été le plus difficile à ce moment là c’est d’entendre qu’il fallait se préparer au pire. Que les dégâts étaient trop importants. Tout à basculé très vite. Mon père, très fatigué par son séjour en réanimation était déboussolé. Mon frère et moi avons dû garder la tête froide pour lui, et pour ma mère.
Le coma était alors jusque là l’épreuve la plus difficile depuis leur récente hospitalisation. Un sentiment profond d’impuissance nous envahi et l’attente demeure interminable.
Après 10h d’attente, nous sommes accueillis par le service de réanimation chirurgical qui nous informe que ma mère a été plongée dans un coma artificiel. Après plusieurs jours, ma mère se réveille. Elle est dans un premier temps transférée dans un service de soins intensifs puis dans un service de surveillance continu avec une stomie digestive suite à l’ablation d’une partie de son colon et de son intestin.
Je ne remercierai jamais assez la chirurgienne qui a opérée ma mère, qui lui a sauvé la vie et qui a par la même occasion sauvé la nôtre. »
__ Le lyell est donc arrivé ensuite...
« Quelques semaines après son opération puis son réveil, ma mère commençait à avoir des tâches rouges sur le corps, de nombreuses démangeaisons et des gonflements. Son état nécessite une remise sous oxygène, son état empire. J’arrive donc en urgence du travail. L’hôpital décide de transmettre des photos du corps de ma mère à l’hôpital Henri Mondor à Créteil. Cinq minutes après, nous étions dans l’ambulance toute les deux. Je ne connaissais pas cet hôpital. Sur la route, les ambulanciers prononcent cette phrase : « nous avons un Lyell ».
Je n’étais pas certaine d’avoir entendu cela, mais je me suis tout de même rendu sur internet et je suis tombé sur la définition suivante : « le syndrome de Lyell ou nécrolyse épidermique toxique (NET) est une pathologie très grave des dermatoses bulleuses d’étiologie médicamenteuse » avec un taux de décès élevé. J’ai également cliqué sur « image » et là c’est le choc. Malgré cela, je retiens mes larmes et n’en parle pas à mes proches pour ne pas les inquiéter.
Nous sommes donc accueillis à Henri Mondor, en réanimation dermatologique où il existe donc deux lits dédiés à ce type de pathologie. J’apprends également que cet hôpital est un centre de référence des dermatoses bulleuses toxiques et toxidermies graves. Une dizaine de médecins, infirmières et aides-soignantes s’occupent de nous accueillir. Ma mère est prise en charge et installée dans une de ces chambres. Une autre partie de l’équipe m’accueille dans le bureau afin de retracer de A à Z ces dernières semaines à l’hôpital afin d’identifier un potentiel médicament coupable. Plusieurs semaines de soins intensifs s’annoncent. Elle était dans une chambre surchauffée, aucun textile ne devait toucher sa peau qui était à vif. De nombreux spécialistes se succèdent dans sa chambre pour contrôler l’ensemble de ses organes, sa peau, ses yeux ou encore les muqueuses. Les visites étaient très limitées et très encadrées à cause des risques accrus d’infection.
Ma mère avait un peu plus de 60% de la surface du corps touché. Elle à donc petit à petit commencé à perdre ses cheveux, ses cils ou encore ses ongles. Elle a également été confrontée à une forte sécheresse oculaire puis généralisée sur le corps avec des yeux restants rouges ayant du mal à supporter la lumière. Puis, des marques et des cicatrices douloureuses. Au total, un peu plus de 8 mois se sont écoulés entre son infection au COVID et sa sortie de l’hôpital.
L’impact le plus important à néanmoins été psychologique. Aujourd’hui, ma mère fait régulièrement des cauchemars durant lesquelles elle est « en train de bruler », se met alors à crier et à se frotter le corps entier pour éteindre les flammes. »
__ Comment faisais tu pour t’armer de courage et affronter chaque jour dans cette épreuve ? Les rôles sont comme inversé, c’est un peu un schéma qu’on peine à s’imaginer. Comment t’es tu sentie vis-à-vis de tout cela ?
« L’état de mon père depuis son hospitalisation et sa tristesse face à tous ses évènements, m’ont obligé à prendre soin de lui dans un premier temps, puis des deux. Je savais qu’à ce moment-là j’étais la seule à pouvoir les aider car eux n’en n’avait ni la force ni le courage. C’est effectivement les rôles qui s’inversent, la place d’aidant s’impose naturellement. Je me rassurais en me disant qu’ils étaient en vie malgré ces péripéties, j’en avais conscience pendant ces longs mois.
Face à cette situation, je me sentais indestructible. Ayant une faible opinion de moi-même, cette période là a été celle où pour la première fois j’étais fière de moi. Je pouvais tout encaisser. Chaque jour, je me suis rendu à l’hôpital pour être à leurs côtés et chaque jours j’ai donné tout ce que je pouvais pour qu’ils ne manquent de rien. »
- TES ASTUCES -
__ Que faisais-tu pour te changer les idées tous les jours ? A l’hôpital, et en dehors, comment se passaient tes journées ?
« Mes journées étaient principalement divisées en deux parties. En semaine, jusqu’à 16h-17h j’étais au travail. Partageant des moments en visio avec mes parents. Une fois le travail terminé, je prenais les transports pour me rendre systématiquement à l’hôpital et cela même quand je n’avais pas le droit.. OUPS.
Le week-end nous étions à l’hôpital et je m’occupais de mon père, de la maison. Mes journées étaient tellement remplies que finalement je n’avais pas le temps de penser. J’avançais jours après jours pour eux. Ils avaient tout mon soutien et tout mon amour. »
__ Que conseillerais-tu aux proches pour se blinder durant la maladie et ne pas se sentir trop impuissant ?
« Parler. La communication est le plus important. Je me suis sentie très seule lorsque j’ai découvert, seule, le nom de cette maladie. Et je n’osais pas en parler par peur d’inquiéter mes proches. Mais j’ai vite compris qu’on ne pouvait pas garder ces choses-là pour soi. On a le droit de demander de l’aide. Il m’a fallu quelques mois pour le comprendre mais j’avais également besoin d’être accompagné par un psychologue et non par quelqu’un de ma famille ou un proche qui ne pouvait pas non plus supporter ce poids.
Aussi, le dialogue avec les médecins est très important. Ces derniers sont spécialisés dans le traitement de ces infections dermatologiques. Il est nécessaire de lâcher prise pour leur faire confiance. J’ai également cherché et trouvé de l’aide auprès de l’association Amalyste, de ton blog, de ton profil Instagram. J’y ai trouvé une communauté pleine de bienveillance. »
__ Tes proches ont également du jouer un rôle très important pour toi. Cette place d’accompagnant n’est pas évidente. Forcément on prend des nouvelles de la personne hospitalisée, ici ta maman, mais souvent on ne pense pas aux proches en première ligne, ce qu’ils ressentent, comment ils vont… T’es tu sentie épaulée ?
« La période COVID a été source d’isolement pour un grand nombre d’entre nous mais surtout pour les personnes hospitalisées et leurs proches en effet. Mes parents n’avaient pas le droit d’avoir des visites. Encore moins à Henri Mondor car les chambres sont stériles et pour éviter le risque d’infection, les visites sont interdites. Il y a des jours où je ne rentrais pas dans la chambre. Je faisais plusieurs heures de transport juste pour la regarder par la fenêtre de sa porte de chambre. Mes proches assistaient donc impuissant à ces mois d’enfermement. Heureusement, nous avions créé des groupes Instagram lorsque mes parents étaient hospitalisés au même moment. Cela leur permettait d’avoir régulièrement des nouvelles et des photos. Effectivement être aidant est souvent une place occupée « dans l’ombre » dans laquelle les personnes ont tendance à nous oublier mais surtout celle où l’on s’oubli sois même. J’ai néanmoins été très soutenue par mes proches, chacun à sa manière. Ils se reconnaitrons et je leur exprime toute ma gratitude. »
__ La sortie de l’hôpital est arrivée. Comment s’est passé le retour à la maison pour vous tous ? As-tu décidé de revenir chez tes parents à ce moment ?
« Le retour à la maison s’est fait plusieurs mois plus tard. Après sa sortie d’Henri Mondor, ma mère a intégré un établissement de repos pendant plusieurs mois. Où elle à pu, petit à petit reprendre des forces après toutes ses péripéties. Nous en étions donc au troisième établissement hospitaliser depuis février.
A l’annonce de sa sortie, j’étais au travail. Je suis rentrée chez mes parents afin de préparer la maison, acheter des fleurs et prévenir ma famille. Ma mère est arrivée. Nous avons évidemment fondu en larme. Elle a découvert la maison a qui nous avions refait une beauté ces derniers mois. Elle a également découvert les fleurs réceptionnées en masse suite à l’annonce de son retour. Nous étions là, chez nous tous ensemble.
A ce moment-là, je continuais encore mes aller-retour entre chez eux et chez moi en continuant de faire le maximum niveau ménage, courses, rdv médicaux etc en diminuant petit à petit mes visites afin qu’ils puissent également se retrouver.
Ma mère se déplaçait avec un déambulateur car très faible après ces quelques mois d’hospitalisation. Puis, elle avait toujours sa stomie qu’elle devait retirer 6 mois après. Son état nécessitait donc des soins réguliers (1 jour sur 2) par une personne à domicile. Et des visites très fréquentes à Henri Mondor pour faire de nombreux tests afin d’identifier les molécules responsables du Lyell. Il n’y a finalement pas une molécule responsable mais plusieurs. Son dossier médical a également révélé qu’il s’agissait d’un syndrome de Lyell combiné à un DRESS. Un syndrome rare de chevauchement. »
__ L’hospitalisation de ta maman est encore récente. A-t-elle décidé de mettre en place une thérapie pour vider son sac ? Comment la vois-tu avancer après cette épreuve ?
« Ma mère a été suivie par plusieurs personnes dans les différents hôpitaux mais sa plus grande thérapie a été l’amour de son mari, de ses enfants et de ses proches. Nous sommes très fières d’elle. Elle n’a jamais cessé de se battre même dans les pires moments. Elle est la définition parfaite du mot résilience. »
__ En tant qu’enfant, on a qu’une envie, c’est de savoir nos parents en forme. Est-il facile de parler ouvertement de ce qu’il s’est passé en famille ?
« Pendant plusieurs semaines et mois qui ont suivi son retour à la maison, ma mère refusait de parler de toutes ces épreuves. Alors que pour nous c’était l’inverse. Nous avions besoin d’en parler. De plus, elle avait complètement oublié de ce qu’il s’était passé entre son entrée à l’hôpital et le coma. Aujourd’hui, presque deux ans après, nous pouvons en parler librement. »
__ La relation avec tes parents a-t-elle changé depuis cette période ? Dirais tu que cela a renforcé vos liens et votre amour ?
« Cet évènement a effectivement renforcé nos liens. Il nous fait également voir le monde autrement. Nous sommes reconnaissants de ce que nous avons et profitons de chaque instant.
La période COVID a malheureusement été source d’isolement pour tous, pas seulement pour les personnes hospitalisés. »
__ Aimerais tu dire quelque chose à ta maman ?
« Je souhaite dire à ma mère ô combien je suis fière d’elle. Elle a fait preuve d’une grande résilience, d’une patience et d’un courage à toute épreuve. Depuis son entrée à l’hôpital, jusqu’à sa sortie. Celle que je pensais affaiblis par les épreuves de la vie, ce fut finalement une renaissance. J’espère avoir son immense courage pour affronter les futures épreuves que je pourrais avoir à vivre dans ma vie. »
__ Finalement, comment cette histoire a changé ta vie et ta vision du monde ?
« Cette épreuve a été un combat comme d’autre qui nous bousculent et bouleversent notre quotidien. Mais qui permettent également de relativiser et de profiter de la vie, de l’instant présent. Alors oui cette histoire à eu un impact important sur ma vie personnelle et m’a profondément affectée. Mais elle a contribué à me construire et à fait ressortir mes plus grandes forces. »
__ Si tu as quelque chose à rajouter, tu as champs libre
« Je souhaite remercier l’ensemble des personnes ayant accompagné ma mère à L’hôpital de la Pitié Salpêtrière, à l’hôpital Henri Mondor ainsi qu’au centre Chenevier de Créteil. Je tiens particulièrement à remercier le Docteur POSTEL à qui nous devons tout. Les aides-soignants, les infirmières, les internes, cadres et toutes personnes travaillent dans les hôpitaux sans relâche pour le bien-être de nos familles dans des conditions parfois difficiles. Nous avons croisé la route de personnes exceptionnelles. J’ai également une pensée pour toutes les victimes du COVID, et leurs familles. Ainsi qu’à toutes les personnes qui ont été touchés de près, comme de loin par cette pandémie. »
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Marie, ton témoignage aidera de sûr des personnes dans le besoin, que ce soit en phase aigüe ou même après l'hospitalisation, c'est avec des histoires comme la tienne que nous arrivons tous à nous projeter, et à trouver de l'espoir dans des moments où nous n'en trouvons pas. Si ta maman a fait preuve d'une force incroyable pour s'accrocher et se donner toutes les chances pour continuer ce beau voyage qu'est la vie, sache que tu as été son moteur pour les aider à affronter cette tempête. BIG UP A TON PAPA, ce warrior aussi ;-) De belles leçons de vies !
A bientôt pour de nouvelles histoires <3
Camille
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